« Si un individu s’expose avec sincérité, tout le monde, plus ou moins, se trouve mis en jeu. Impossible de faire la lumière sur sa vie sans éclairer, ici ou là, celles des autres »
Simone de Beauvoir – La force de l’âge
« L’information est le seul bien qu’on puisse donner à quelqu’un sans s'en déposséder. »
Thomas Jefferson,
l’un des rédacteurs de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis,

De l'esprit des lois (1748)

Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.
Charles de Secondat, baron de Montesquieu

23 octobre 2001

6/ un obstacle vous interdisant l'accès à une vie mieux aboutie par François Roustang

Page 110

Lorsque quelqu'un souffre d'un problème, d'une difficulté, d'un symptôme qu'il voudrait voir disparaître, il suffit de lui proposer d'y faire face ou simplement d'y porter attention et de lui demander d'attendre que la solution, ou du moins un commencement de solution, se fasse jour. J'ai répété cette expérience des centaines de fois et le plus souvent non sans effet. Il est évident que ce schéma revêt dans chaque cas des formes singulières. L'exposé d'un exemple permettra cependant d'en extraire quelques principes. Une jeune femme se plaint de ne jamais pouvoir conduire jusqu'au bout ses entreprises et de se frustrer elle-même par des échecs qu'elle pourrait éviter. Au cours d'une première séance il lui est impossible de se détendre et moins encore d'abandonner le souci de comprendre. La deuxième séance n'est pas plus efficace, mais c'est pour des raisons inverses : elle entre en hypnose avec une telle facilité que les difficultés de son existence disparaissent. L'oscillation entre impossibilité et facilité, ou entre le se sentir très mal et le se sentir très bien, me semble alors représenter la fuite devant toute transformation ; c'est pourquoi je lui propose de faire face à son problème et d'attendre. Voici quelques répliques d'un dialogue entrecoupé de longs silences :

– Il y a probablement, lui dis-je, un obstacle vous interdisant l'accès à une vie mieux aboutie.

– J'ignore quel peut être cet obstacle.

– Vous n'avez pas besoin de le connaître ; il suffit que vous y portiez une attention prolongée et que vous attendiez le plus tranquillement que vous pourrez.

– Je ne peux pas avoir de projets ; je suis courageuse quand le feu a pris, mais, lorsqu'il est éteint, c'est la déprime.

– Pouvez-vous regarder, écouter, sentir cela ?

– Il y a une petite pellicule très dense sur une énorme épaisseur de chaos et de confusion.

– Pouvez-vous vous en approcher quelque peu ?

– Image de camp de concentration, de rails qui n'aboutissent à rien et des gens alentour qui travaillent dans les champs sans rien voir. On ne peut pas vivre quand il y a ça à côté.

– Est-ce que l'on ne peut plus vivre, comme cela arrive aux rescapés, ou est-ce que l'on ne doit pas vivre ? Considérez longuement cela.

– On ne doit pas vivre, je ne dois pas vivre.

– Mettez-vous bien en face de ce « je ne dois pas vivre »…

N'est-il pas porteur d'un lien qui ne saurait être rompu ?

– Une tante qui m'a élevée ; la seule affection de mon enfance. Elle était dans le malheur.
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Autres billets sur La Fin de la plainte de François Roustang
1/ La fin de la plainte
2/ La manipulation thérapeutique
3/ Amour Narcisse
4/ La dissociation, le trauma, l'amnésie

5/ Le système sélectif de reconnaissance ou l'imagination

7/ Impossible donc de parler et de ne pas parler
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19 octobre 2001

3/ Les pères incestueurs par Gérard Lopez

Page 33
Les pères « incestueurs » dépioient des trésors de perversité pour isoler physiquement leur victime. Ils sont également experts pour monter les membres de la famille les uns contre les autres, attiser les antagonismes, colporter des rumeurs, divulguer des faux secrets, faire et défaire les alliances de circonstance, selon le vieil adage : « Il faut diviser pour mieux régner » qu'utilise évidemment tout « bon décideur », où qu'il sévisse.
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Voir d'autres billets par Gérard Lopez
1/ La fascination est une des armes qu'utilisent préférentiellement les pères incestueux
2/ Définition de la victime
4/ Quelques conséquences sur les survivantes
5/ Psychologie des vampires
6/ La responsabilité
7/ La cure des incestueurs
8/ Le recours à la loi pour les victimes
9/ La résilience

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5/ Psychologie des vampires par Gérard Lopez

Page 68

Le vampire va se faire passer pour la victime d'une machination. Sa famille s'acharne sur lui parce qu'il est trop bon… par exemple. Et il pourra d'autant plus facilement convaincre ses interlocuteurs, qu'il connaît mieux que quiconque les stratégies d'inversion…

Il saura argumenter, argumenter toujours. Il est inutile de tenter d'avoir un dialogue avec un vampire, c'est-à-dire un échange. Le vampire prend et ne donne jamais rien en échange, pas même et surtout pas une idée. La pensée est l'ennemi suprême des vampires.

Il multipliera les intrusions chez le médecin, le policier, soit directement, soit par l'intermédiaire d'une personne manipulée ou d'un complice attiré par l'odeur du mal.

Il fera des pressions indirectes, activera ses relations parfois bien placées. Il aura des accents d'une telle sincérité qu'il sera plaint et cru !

Il manipule et jubile.

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Autres billets par Gérard Lopez

1/ La fascination est une des armes qu'utilisent préférentiellement les pères incestueux

2/ Définition de la victime

3/ Les pères incestueurs
4/ Quelques conséquences sur les survivantes

6/ La responsabilité

7/ La cure des incestueurs

8/ Le recours à la loi pour les victimes
9/ La résilience
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8/ Le recours à la loi pour les victimes par Gérard Lopez

Page 93

Je fais clairement partie des professionnels qui pensent que la loi permet de réinscrire une victime dans la société humaine en punissant le coupable et en redonnant la parole à la victime, c'est-à-dire son statut d'être humain. Une victime n'est jamais traitée comme un sujet ayant des droits, un désir propre. Elle est traitée comme un objet : la chose d'un agresseur qui exerce un rapport de domination à son strict profit. Il s'agit toujours d'un rapport de force. Nous pourrions dire qu'une victime de viol ne subit pas un rapport sexuel, mais un rapport de domination qui la touche dans son intimité, là où elle est précisément la plus vulnérable.

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2/ Définition de la victime
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5/ Psychologie des vampires
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7/ La cure des incestueurs
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7/ La cure des incestueurs selon Gérard Lopez

Page 76-77

Je partage l'opinion de Bram Stocker et de la majorité de mes confrères : les pires des vampires ne sont pas curables.

J'ignore qui oserait entreprendre de soigner un grand pervers ? Le très avisé professeur Van Helsing s'y refuserait de toute évidence : « Mais il reste une autre tâche, en un sens plus importante : découvrir l'auteur de tous ces malheurs et le faire disparaître de ce monde ». Opinion partagée, mot à mot, par Paul-Claude Racamier qui, un siècle plus tard, recommande à une institution : « de se mobiliser dans un sursaut de santé » et de faire la seule chose saine qui soit à faire : « cracher le noyau » pervers qui l'a contaminée.

Mais il ne faut surtout pas brandir cette horrible évidence pour baisser les bras et refuser toute idée de prise en charge. Les grand pervers, les vampires ! ne constituent pas la majorité des condamnés, loin s'en faut. On pourrait même avancer l'hypothèse que les pires d'entre eux ne se font jamais prendre… Un grand nombre de vampires tragiques, est susceptible de recevoir des soins pour « apprendre » à se contrôler. Ils doivent au préalable endosser la responsabilité de leurs crimes et accepter d'être confrontés à la réalité et aux conséquences de leurs actes, sur les victimes notamment.


Des équipes étrangères, anglo-saxonnes pour la plupart, se sont lancées honnêtement dans cette périlleuse aventure avec des succès divers, mais conséquents.

• L'Association francophone internationale des thérapeutes d'agresseurs sexuels (AFITAS) a été créée par le Dr Jocelyn Aubut directeur de l'Institut Pinel de Montréal.

• En France et en Belgique, souvent inspirées par le travail de l'Institut Pinel, des équipes se sont mises au travail.

• Des associations françaises comme l'AFTVS du Dr Roland Coutanceau, l'ARTASS des Drs Claude Balier et Sophie Baron Laforêt ou le GRASC de Bruxelles, ont développé des stratégies de prises en charge des agresseurs sexuels.


Finalement sous la pression d'une opinion publique bien relayée par le secteur associatif et certains professionnels, le Parlement a adopté une loi1 destinée à améliorer la prévention et la répression des infractions sexuelles et mieux protéger les mineurs.

Cette loi, certes répressive, favorise, dans la tradition républicaine, une série de mesures d'assistance aux agresseurs.

L’idée d'un traitement possible a été abandonnée au profit d'un « suivi socio-judiciaire », lequel peut être ordonné en même temps qu'une peine d'emprisonnement ou constituer la peine principale dans certains cas.

Mais cette mesure, qui constitue une sorte de surveillance (plus ou moins rapprochée), peut comprendre une injonction de soins, lesquels peuvent commencer pendant l'exécution de la peine, dans un établissement pénitentiaire permettant d'assurer un traitement médical et psychologique adapté… un joli programme qui ne correspond pas encore à la réalité du terrain.


1. Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 « relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs »

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2/ Définition de la victime par Gérard Lopez

Gérard Lopez revient sur la place des victimes et leur prise en charge au sein du système judiciaire.
Médecin psychiatre, Gérard Lopez est président fondateur de l’Institut de victimologie. Il est notamment l’auteur de "ABC de la victimologie" et surtout du "Droit des victimes : droit, audition, expertise, clinique".
L'attitude de la justice à l'égard des victimes n'est que le reflet de la considération que porte la société globale à ceux de ses membres qui sont les plus faibles. Depuis quelques années, le sort des victi mes, relayé par les médias, prend une place de plus en plus considérable dans le débat public.

Entretien avec le psychiatre Gérard Lopez – août 2009
Gérard Lopez revient dans cet entretien sur les progrès et les difficultés du combat pour les droits des victimes, en évitant les écueils du simplisme et de la complaisance.
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Autres billets sur La victimologie par Gérard Lopez
1/ La victimologie
2/ Définition de la victime
3/ Évolution socio-historique : la victime valeur fondatrice de la culture occidentale
4/ La notion de cible victimale
Les troubles dissociatifs – La dissociation péritraumatique
Les troubles dissociatifs durables par Gérard Lopez



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6/ La responsabilité selon Gérard Lopez

Page 70-71

La question de la responsabilité est particulièrement épineuse, autant sur le plan théorique que sur le plan pratique. L'étymologie du mot responsabilité vient de « respondere » qui signifie répondre de ... , s'engager à ... La façon satirique dont Epicharme a reformulé l'aphorisme d'Héraclite constatant qu'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, permet de poser le problème : « Ce qui par nature éprouve un changement et jamais ne demeure identique à soi-même, doit être maintenu autre que ce qu'il fut. Ainsi, toi et moi, hier nous étions autres et sommes aujourd'hui encore d'autres hommes. » Un monde sans responsabilité serait, en effet, un monde composé de zombies, un monde dépourvu de sujets, où les individus seraient dépourvus de permanence, où leur existence s'égalerait à la seule manifestation d'un acte suspendu. Ce serait le monde dont rêve le comte Dracula.

Aussi, il me faut engager ma responsabilité pour que mes actes passés me soient attribués. La responsabilité est le fondement ontologique du sujet, la condition de sa liberté pratique selon Kant . Elle est étroitement liée à la conviction qu'a l'homme d'être libre.

La liberté pratique, celle qui nous permet d'agir et d'assumer les conséquences de nos actes, est balisée par des lois démocratiques, reconnues et acceptées, comme notamment l'article 1383 du Code civil qui dispose : « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais par sa négligence ou son imprudence ».
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4/ Quelques conséquences sur les survivantes selon Gérard Lopez

Page 42-43

Perdues, sans repère, incapables de penser par elles-mêmes, les victimes de vampires perdent toute espèce d'estime de soi. Elles présentent de graves troubles identitaires qui les rendent particulièrement vulnérables. De place perdue en place perdue, elles deviennent des « sans domicile fixe » symboliques. Ces « paumés », « ces filles perdues », ces « dé-générés » sans repères généalogiques, ces gens « mal dans leurs baskets », risquent de sombrer dans la déviance, la délinquance ou l'exclusion sociale.

Du point de vue clinique, certaines victimes deviennent caractérielles, revendicatrices, méfiantes. Elles développent des traits de caractère paranoïaques. Elles se sentent toujours épiées, attaquées, comme s'il n'existait qu'un seul type de relation humaine, qu'elles revivent ainsi quotidiennement. Ces idées de persécution, sont aggravées par un fond mégalomaniaque : « Les Szeklers peuvent se vanter d'avoir accompli ce que ces parvenus, les Habsbourg et les Romanov, ont été incapables d'accomplir … » rien de moins, nous y reviendrons.

Les états dépressifs graves sont fréquents. Ils surviennent quand elles (re)vivent littéralement une expérience d'abandon. Ne sachant vivre que sous l'entière domination d'un vampire, elles sont incapables de survivre pour elles-mêmes, de façon indépendante. Ce n'est pas pour autant qu'elles puissent ressentir un quelconque sentiment positif. Les tentatives de suicide sont fréquentes. Certaines sont des actes impulsifs, explosifs, bien souvent effectués sans la moindre élaboration psychique permettant de les expliquer. Parfois elles sont plus élaborées et parfaitement compréhensibles : « Je n'arrivais pas à plaindre cette femme, car, comprenant maintenant le sort qui avait été réservé à son enfant, je me disais qu'il valait qu'elle l'eût rejoint dans la mort ». « Euthanasie est un mot excellent et réconfortant ! J'ai de la reconnaissance pour celui qui l'a inventé ! », car le suicide et la mort sont alors vécus comme une délivrance.

Ces victimes finissent par sembler accepter leur sort : « Il est temps que je m'en aille. Je vous dis adieu mon cher Arthur, si je dois mourir cette nuit ».

Les troubles psychosomatiques les menacent. Ils leur permettent de survivre en passant à côté de leur vie, comme l'a si bien décrit Jean-Michel Thurin1. D'autres se plaignent constamment de maux imaginaires, mais vivent très vieux, déplorent Maurice Hurni et Giovanna Stoll... le Comte, lui, est immortel.

1/ Thurin Jean-Michel. (1996). Une vie sans soi. Editions Frison Roche
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