« Si un individu s’expose avec sincérité, tout le monde, plus ou moins, se trouve mis en jeu. Impossible de faire la lumière sur sa vie sans éclairer, ici ou là, celles des autres »
Simone de Beauvoir – La force de l’âge
« L’information est le seul bien qu’on puisse donner à quelqu’un sans s'en déposséder. »
Thomas Jefferson,
l’un des rédacteurs de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis,

De l'esprit des lois (1748)

Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.
Charles de Secondat, baron de Montesquieu

5 août 2007

V/ Que devient un corps violé ? par Rennie Yotova

Conclusion p 151

Un corps-déchet qui vit dans un entre-deux-mondes, ne pouvant pas se cramponner à l'être, à l'existence, au vivant, car il se décompose lentement, imbibé, fourré des excréments de l'autre ; ne pouvant pas s'engloutir dans le néant car il est déchu du pouvoir de mourir130, de sa propre mort. Chosifié et déshumanisé, le corps violé devient le corps de personne, dépourvu de propriétaire, car le « je » violé a du mal à dire « mon » corps. Dépossédé de cette propriété de son corps, l'être qui a subi le viol développe et cultive cette non appartenance, mais sa tragédie consiste dans l'impossibilité de mourir au corps.

130. Nous empruntons l'expression à Maurice Blanchot, L'Espace littéraire, Gallimard, 1955, p. 202.

________________________

Autres billets sur le livre de Rennie Yotova

I/ Ecrire le viol
II/ Le viol
III/ Fantasmes de viol dans la littérature
IV/ Fantasmes dans Le Voyeur d'Alain Robbe-Grillet

*/ Le pardon

**/ L'indicible du viol

***/ Viol et violence à travers Virginie Despentes
****/ Métaphorique du viol chez Robbe-Grillet en l'associant à l'acte de l'écriture
*****/ Le viol de Magritte par Rennie Yotova
***** L'écriture peut donner un sens au viol par Rennie Yotova
Rendez-vous sur Hellocoton !

4 août 2007

IV/ Fantasmes dans Le Voyeur d'Alain Robbe-Grillet

Page 136

Le sujet intéresse apparemment beaucoup l'auteur qui, dès Le Voyeur, le met au centre du récit tout en gardant l'ambiguïté sur sa véritable réalisation, propre d'ailleurs au fantasme. On ne sait pas si le viol a vraiment eu lieu, mais Mathias tient entre ses mains la coupure du journal qui raconte le fait divers de Violette, la fillette qui a probablement été violée et dont le nom est la mise en abyme de son destin.

Il n'est pas exclu que Robbe-Grillet se soit inspiré pour cette scène de Sartre. Malgré son attitude ambivalente à l'égard de l'existentialisme, il a toujours affirmé son admiration pour La Nausée. Roquentin achète un journal où il lit le fait divers concernant le viol d'une petite fille dont le corps a été retrouvé. Elle a été violée et étranglée. « Un doux désir sanglant de viol me prend par-derrière [ ... ] » (p. 144), avoue le personnage dans un état de dédoublement où il parvient à se confondre avec le violeur. Emporté par des sensations exacerbées il recompose l'acte sexuel comme un moyen pour toucher à l'existence de l'autre.

…/…

Évidemment, les générateurs du récit peuvent être des fantasmes. La modernité suppose que le « bon » personnage de roman soit double, ce caractère révélant la contradiction insoluble inhérente au monde moderne. Le personnage moderne se dédouble pour entrer en lutte avec lui-même. Il se propose de subvertir le réel par des perversions érotiques qui s'inscrivent dans l'esprit moderne. D'où cet éclatement du narrateur en plusieurs instances narratives traduites sous différents noms et pronoms personnels. Cette « désidentification » du récit le renvoie dans le domaine du rêve, mais le déresponsabilise en même temps.


Dossier de presse Les Gommes et Le Voyeur d'Alain Robbe-Grillet (1953-1956)

Poche - Broché

Paru le : 03/11/2005

Editeur : 10/18

Collection : domaine français

ISBN : 2-264-04174-9

EAN : 9782264041746

Nb. de pages : 305 pages

Poids : 210 g

Dimensions : 11cm x 18cm x 2cm

________________________

Autres billets sur le livre de Rennie Yotova

I/ Ecrire le viol
II/ Le viol
III/ Fantasmes de viol dans la littérature
V/ Que devient un corps violé ?

*/ Le pardon

**/ L'indicible du viol

***/ Viol et violence à travers Virginie Despentes
****/ Métaphorique du viol chez Robbe-Grillet en l'associant à l'acte de l'écriture
*****/ Le viol de Magritte par Rennie Yotova
***** L'écriture peut donner un sens au viol par Rennie Yotova


Rendez-vous sur Hellocoton !

3 août 2007

III/ Fantasmes de viol dans la littérature par Rennie Yotova

Page 113

Les victimes de nos quatre personnages sont extrêmement belles :

Textor Textel décrit sa victime comme « la plus belle jeune fille de l'univers » (p. 42) ;

Marcolina que Casanova souhaite ravir est divinement belle ;

les jeunes filles que le Dr Morgan entraîne dans ses fantasmes sadiques sont d'une beauté angélique ;

le Dahlia noir, âgée de 22 ans était terriblement belle aussi.

La seule réplique possible face à cette beauté s'avère la mort, comme l'exprime très exactement Baudrillard : « Qui a dit que la plus belle preuve d'amour fut dans le respect de l'autre et de son désir ? Le prix payé par la beauté et la séduction est peut-être d'être séquestrées et mises à mort, parce qu'elles sont trop dangereuses, et qu'on ne pourra jamais leur rendre ce qu'elles vous donnent. On ne peut alors leur donner que la mort97. »

Les fantasmes de viol produisent une esthétisation du corps désexualisé, ils érigent en règle l'agir contre nature et font de la perversité un principe moral. Le grotesque est magnifié, l'humiliation érigée en honneur particulier :

« C'est flatteur, un viol. Ça prouve qu'on est capable de se mettre hors la loi pour vous » (p. 51), s'exclame Textor Texel. Dans cet univers perverti, le monstrueux se complaît à renverser l'ordre des valeurs et à vanter la splendeur du viol.

______________________

Autres billets sur le livre de Rennie Yotova


I/ Ecrire le viol

II/ Le viol

IV/ Fantasmes dans Le Voyeur d'Alain Robbe-Grillet

V/ Que devient un corps violé ?

*/ Le pardon

**/ L'indicible du viol

***/ Viol et violence à travers Virginie Despentes
****/ Métaphorique du viol chez Robbe-Grillet en l'associant à l'acte de l'écriture
*****/ Le viol de Magritte par Rennie Yotova

***** L'écriture peut donner un sens au viol par Rennie Yotova

Rendez-vous sur Hellocoton !

2 août 2007

II/ Le viol selon Rennie Yotova

Page 14

Le viol est un meurtre, souvent sans cadavre. Ce meurtre ne conduit pas à l'extinction du corps, mais à son anéantissement. Les lésions peuvent être invisibles mais elles sont dans la plupart des cas irréparables. Quelqu'un a franchi la frontière du corps de l'autre, l'a violé et il est entré de cette façon dans son existence définitivement. Le corps violé a incorporé de façon indélébile la souillure et ne peut plus s'en défaire. On reste vivant, mais on porte à jamais une blessure en soi. La torture inflige une terrible souffrance au corps, mais elle peut mobiliser des forces morales de résistance pour prouver sa dignité humaine devant les bourreaux. Le viol enlève toute volonté de survie, l'être violé porte en soi un poignard ensanglanté qu'aucune opération chirurgicale ou traitement psychologique ne pourra enlever. Car le meurtre du viol n'est pas physique.

__________________________

Autres billets sur le livre de Rennie Yotova

I/ Ecrire le viol

III/ Fantasmes de viol dans la littérature

IV/ Fantasmes dans Le Voyeur d'Alain Robbe-Grillet

V/ Que devient un corps violé ?

*/ Le pardon

**/ L'indicible du viol

***/ Viol et violence à travers Virginie Despentes

****/ Métaphorique du viol chez Robbe-Grillet en l'associant à l'acte de l'écriture

*****/ Le viol de Magritte par Rennie Yotova

***** L'écriture peut donner un sens au viol par Rennie Yotova


Rendez-vous sur Hellocoton !

1 août 2007

I/ Ecrire le viol de Rennie Yotova

Editions Non Lieu
164 pages, août 2007
ISBN 978-2-35270-030-2
Le viol peut-il légitimement être abordé en tant que sujet artistique ? En quoi et comment l’art est-il susceptible de penser ou d’exprimer le viol ? L’imaginaire littéraire du viol démontre au paroxysme que cet acte ne peut être une rencontre avec l’autre. Le viol ne fait jamais sens. C’est une brutalité absolue et gratuite qui entraîne la victime dans un lien avec son (ses) agresseur(s) qu’elle ne peut rompre à cause de son incapacité à comprendre ce qu’elle a vécu. La mythologie, traversée par des scènes de viols, confirme la dimension archétypale de cette violence originelle et permet de définir cinq types de viols : viol-vengeance ; viol-mutilation ; viol-domination ; viol-inceste ; viol-blasphème. Types de viols que l’on retrouve, commis par différents personnages, dans un parcours littéraire à travers des œuvres de Cendrars, Le Clézio, Schnitzler, Guyotat, Anne Hébert, Niki de Saint-Phalle, Agota Kristof, James Ellroy... La fiction nous ouvre un autre monde et, en dépit du crépuscule, de la monstruosité de ce monde, elle nous dit qu’il existe une pensée vivante, qui parle au nom des victimes, compatit, cherche à cerner l’impardonnable, malgré le corps profané et déchu, une pensée qui affronte la violence, pour la dominer enfin par le refus de la prolonger.
______________________________

Autres billets sur le livre de Rennie Yotova
II/ Le viol
III/ Fantasmes de viol dans la littérature
IV/ Fantasmes dans Le Voyeur d'Alain Robbe-Grillet
V/ Que devient un corps violé ?
*/ Le pardon
**/ L'indicible du viol
***/ Viol et violence à travers Virginie Despentes
****/ Métaphorique du viol chez Robbe-Grillet en l'associant à l'acte de l'écriture
*****/ Le viol de Magritte par Rennie Yotova
***** L'écriture peut donner un sens au viol par Rennie Yotova

______________________________
Autres billets sur Niki de Saint-Phalle
1/ Niki de Saint-Phalle : Mon secret
2/ Mon secret de Niki de Saint-Phalle réédité
3/ Niki de Saint Phalle : Ce même été, mon père – il avait 35 ans, glissa sa main dans ma culotte
4/ Autoportrait
5/ L'interdit
6/ Forme de pardon
7/ Les traces du viol dans l'œuvre de Niki de Saint-Phalle Par Rennie Yotova
8/ Niki de Saint-Phalle, témoigner pour prévenir par Questions d’inceste
Rendez-vous sur Hellocoton !