« Si un individu s’expose avec sincérité, tout le monde, plus ou moins, se trouve mis en jeu. Impossible de faire la lumière sur sa vie sans éclairer, ici ou là, celles des autres »
Simone de Beauvoir – La force de l’âge
« L’information est le seul bien qu’on puisse donner à quelqu’un sans s'en déposséder. »
Thomas Jefferson,
l’un des rédacteurs de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis,

De l'esprit des lois (1748)

Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.
Charles de Secondat, baron de Montesquieu

31 décembre 2009

Serge Garde seul contre réseaux pédo-criminels part II

31-12-2009
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Serge Garde seul contre réseaux pédo-criminels part I

31/12/2009
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Autres billets concernant Serge Garde
Serge Garde seul contre réseaux pédo-criminels part II
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Jacques Hébert accuse la reine Marie-Antoinette d'inceste

(1757 - 1794), journaliste
et homme politique révolutionnaire ;
Hébert et le procès de la reine
Texte par Jean-Marie Ruthon
Jacques Hébert est encore l’odieux individu qui osa accuser d’inceste la reine Marie Antoinette et, c’est cette question que je veux évoquer, non pour en contester la réalité mais pour reprendre les faits et tenter de rectifier les analyses plus ou moins partiales faites à ce sujet.
…/…
Cela étant après avoir fait état du complot visant à faire évader les prisonniers, il reprend l’accusation d’inceste déjà développée par Fouquier. Peut être a-il eu tort, mais après tout il ne fait que reprendre des accusations déjà soutenues par d’autres. Cela ne démontre pas, contrairement à ce que l’on le dit encore, qu’il soit à l’origine de ces odieuses accusations.
Soumis le 08/05/2001

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29 décembre 2009

Sylvie Karas, présidente de cour d'assise : Des procès "durs, violents…"

Des procès "durs, violents…"
mardi 29.12.2009, 05:03
Recueillis par E. D.

Sylvie Karas est présidente de cour d'assises depuis cinq ans. Un procès d'inceste, « c'est dur, c'est violent », dit-elle, mais elle compte désormais sur son expérience pour, en chef d'orchestre, « jouer ce morceau le moins mal possible ». Rencontre avec une magistrate humaine et passionnée. ...

- Est-il vrai que les procès d'inceste ont de plus en plus souvent lieu en public ?

« Oui. Pour ma part, je n'y vois pas d'inconvénient. Les victimes n'ont rien à cacher et puis, une salle vide, c'est froid. D'ailleurs, dans les cas où l'accusé nie, c'est mieux : si on reste dans le microcosme de la famille, rien ne peut sortir. On peut également envisager un huis clos partiel pour la déposition de la victime, mais c'est demandé de moins en moins souvent. C'est à nous d'isoler les jeunes parties civiles au moment où elles viennent déposer à la barre, de les mettre dans une bulle quand on s'adresse à eux afin qu'elles se sentent en confiance. »

– Ce qui ne doit pas être très facile...

« Il faut d'abord travailler énormément le dossier, pour ne faire aucune faute. Je dis parfois qu'un bon président doit « transpirer » le dossier. Et il faut être extrêmement délicat. Il y a même des fois où je le dis à la jeune personne ou à l'enfant que j'ai face à moi : "Ça me fait mal de te poser cette question". Le tutoiement devient naturel, alors. Par ailleurs, il faut poser toutes les questions, même celles qui sont gênantes ou qui dérangent, même si je deviens rouge écrevisse, parfois, tellement je suis mal à l'aise. C'est différent des procès pour braquage ou pour meurtre, qui sont plus techniques, où les questions de pudeur ne se posent pas de la même façon... »

– Arrivez-vous toujours à contenir les parties civiles ?

« Le plus souvent, oui. Elles ne demandent jamais vengeance, mais elles veulent surtout être crues à tout prix. La réparation juridique, pour elles, n'est qu'une petite pierre dans leur reconstruction. Je me souviens d'un type qui a fini par reconnaître à la barre ce qu'il avait toujours nié. La fille s'est avancée et elle a dit : "Merci, papa". »

– Les délibérés de ces procès, avec les jurés, dans le secret, sont-ils plus délicats que les autres ?

« Il existe un fantasme du délibéré de cour d'assises. Pour ma part, je n'exerce pas de pressions. La seule chose que je demande aux jurés, c'est de la franchise. S'ils n'arrivent pas à défendre leur point de vue, c'est que ce n'est pas un bon point de vue, voilà ce que je leur dis. Je me souviens d'une personne qui avait elle-même été victime d'inceste : elle avait été un formidable modérateur de la peine... En tout cas, c'est beaucoup plus délicat quand l'inceste est nié par l'accusé. Dans ce cas-là, c'est systématiquement parole contre parole, parce qu'il n'y a quasiment jamais d'élément matériel. Alors, qui faut-il croire ? On a déjà vu des enfants accuser puis se rétracter. C'est pour cela qu'est prononcée une proportion non négligeable d'acquittements. »

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25 décembre 2009

L'inceste par François Odysse Barot – 1883

L'inceste (1883).
Author : Barot, François Odysse, 1830-1907.
Publisher: Paris E. Rouveyre et G. Blond
Author: Barot, François Odysse, 1830-1907
Publisher: Paris E. Rouveyre et G. Blond
Possible copyright status: NOT_IN_COPYRIGHT
Language: French
Call number: ABY-1624
Digitizing sponsor: University of Toronto
Book contributor: Robarts - University of Toronto
Collection: toronto

Scanfactors: 2
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23 décembre 2009

Lettre au père Noël – Letter to Santa Claus


Merci à tous pour votre présence sur mes blogs durant ces derniers mois.
Je voudrais demander au père Noël de nous aider à arrêter de maltraiter les enfants qui ne deviendront pas ainsi des adultes maltraitants.

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Thanks to everybody for your presence on my blogs during the last months.
I would like ask Santa Claus to help us to stop people from mistrteating children, so that when these children groun up they won't mustreat their children in turn.

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20 décembre 2009

Le secret de Blanche

Éditions de l'Homme
Par Blanche Landry, Psychothérapeute, Conférencière, Formatrice
Sainte-Adèle, Québec, Canada.
Voir ma page Psycho-Ressources
Site Web: http://www.blanchelandry.com/
L'histoire vraie d'une métamorphose
Beaucoup plus qu’un simple témoignage, Le secret de Blanche est un document qui traite non seulement de l’inceste, mais aussi de la violence psychologique et physique, de la dépendance affective et sexuelle. Blanche Landry affirme et démontre la preuve que malgré des traumatismes reliés à de tels abus, nous pouvons obtenir, avec du temps, de la patience et une psychothérapie en profondeur, une complète guérison.
Le secret de Blanche informe, éduque et confirme que l'inceste n'est pas fatal. Empreint d'authenticité, il constitue un puissant message d'espoir, non seulement pour ceux et celles qui travaillent assidûment à SE GUÉRIR… mais aussi à tous les professionnels qui travaillent avec cette problématique. Pour GUÉRIR, nous devons travailler simultanément en collaboration avec nos quatre Intelligences afin d’INTÉGRER NOTRE PASSÉ AU PRÉSENT.
Résumé
Après un mariage dont elle n’a pas voulu, rien ne va plus dans la vie de Liliane. Affligée de maux de dos et de tête, en proie à des cauchemars et à des crises d’angoisse, la jeune femme va de médecins à thérapeutes sans savoir de quoi elle souffre. Puis, peu à peu, des souvenirs resurgissent, lui révélant un terrible secret :
« Les images m’éclatent en plein visage. Je suis plongée dans une douleur qui m’était inconnue jusqu’à présent. Je parcours les sentiers les plus sombres de ma vie, sentiers de mes origines.
Cette fois, j’ai six ou sept ans. Je suis couchée sur un grand lit. Je suis toute petite dans ses bras. Ça fait mal lorsqu’il entre dans mon ventre. Je ne peux rien faire car…
Car c’est mon papa et je l’aime ! »
Dans ce cri éperdu qu’elle pousse enfin, Liliane découvre une réalité qu’elle avait enfouie au plus profond d’elle-même depuis plus de vingt ans. Elle comprend alors que les causes de ses égarements et, seule, sans le secours de ses proches parents, avec courage et détermination, elle entreprend sa patiente guérison. Et pour bien marquer cette métamorphose, elle va choisir de s’appeler Blanche.
En première partie de son témoignage, l’auteur fait le récit d’une étonnante démarche de libération qui l’a conduite à entreprendre des études universitaires afin de mieux comprendre les causes et les séquelles des agressions qu’elle a subies. À ce récit pudique et touchant, elle a ajouté, dans le but d’aider les personnes qui ont vécu de pareils traumatismes, des pistes de réflexions et des moyens de guérison. Dans la troisième partie, vous y découvrirez la définition de l’inceste, les types d’inceste, la nature des actes sexuels incestueux et toutes les conséquences reliées à de tels abus.
Extraits de l'introduction
« Comment peut-on mener une vie avec cohérence et dans la lumière quand on doit naviguer sur une mer noire de peur, d'illusions et de confusions? Comment peut-on guérir de ses blessures quand on ne comprend pas ce qui les a provoquer? Ayant moi-même subi les affres de l'inceste, il m'a paru nécessaires de chercher à répondre à ces questions douloureuses qui ne cessent de hanter les êtres qui, comme moi, ont été victimes d'agressions sexuelles. À la suite d'expériences aussi traumatisantes, j'ai cherché en vain un livre qui saurait m'aider à comprendre ce qui m'était arrivé et surtout, qui me permettait d'espérer une complète délivrance des conséquences de mon passé. »
« Les recherches nombreuses compilées sur l’inceste ne laisse guère présager d’éventuelles guérisons. Quant aux thérapies, je n’en connais aucune qui s’avère concluante et éprouvée. J’ai pourtant persisté à croire que j’accéderais un jour à un bien-être intérieur et, à force de persévérance, j’y suis parvenue. »
Extraits de l'épilogue
« J’étais consciente de ne plus pouvoir vivre avec ce secret. Je me rendais compte qu’il m’empêchait de développer de nouvelles relations avec d’autres personnes et je persistais à craindre que celles-ci n’apprennent ou ne découvrent la vérité. Je n’avais pas eu trop de mal à avouer les gestes commis par mes oncles ou par le chauffeur d’autobus ; cependant je m’interdisais de relater les assauts de mon père… J’étais prise dans la conspiration du silence incestueux. »
« J’en avais assez de vivre avec des brides de liberté, je voulais être entièrement libre! Toutefois, je continuais de me sentir partagée entre ce besoin que j’avais de me libérer et celui de protéger ma famille. Je vivais une insoutenable contradiction entre ce que je voulais dire et ce que je pensais que je ne pouvais pas dire. »
« Tout au long de mon parcours vers la guérison, j'ai appris à pardonner véritablement à tous ceux qui ont abusés de moi ou qui m'ont fait du mal. Je ne leur en veux pas. Je ne vis plus dans le passé, mais bien dans ce présent que je fabrique jour après jour. Et ce qui me paraît extraordinaire, c'est que autant mon passé a été pavé de douleurs et de souffrances autant l'existence que je mène aujourd'hui est parsemée de joie de vivre et de bonheur. Cela ne veut pas dire que je suis à l'abri d'autres blessures. Je sais que je ne suis pas invulnérable, je suis loin d'être une sage personne. Je suis plutôt une apprenti-sage, une femme qu'un solide bagage de souffrances aide à faire avancer dans une voie d'harmonie.
»
Présentation de Blanche Landry

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15 décembre 2009

L'incestuel par Dr. Claude Esturgie

L’incestuel
par Dr Claude Esturgie
(Sexologue, Bordeaux) Le néologisme « incestuel » a été créé par Paul-Claude Racamier, psychiatre et psychanalyste renommé, dans les années 1980-1990, à l’occasion d’un livre intitulé L’inceste et l’incestuel, ouvrage aujourd’hui épuisé.
Sous ce terme Racamier décrit une psychopathologie laissée dans l’ombre avant lui mais cependant extrêmement répandue. L’incestuel correspond à une atmosphère familiale particulière qui n’aboutit pas nécessairement à un passage à l’acte sexuel, mais qui laisse chez les enfants qui en sont victimes une empreinte responsable d’un certain nombre de troubles psychiques ou sexuels de l’âge adulte.
Il s’agit d’une notion complexe que je vais essayer d’exposer le plus simplement possible. Elle place dans une perspective nouvelle certaines hypothèses de base de la psychanalyse comme le complexe d’Œdipe, phénomène tellement vulgarisé et médiatisé que l’on peut le supposer connu de tous.
Très schématiquement l’Œdipe, fantasme de séduction du parent de sexe opposé avec rejet du parent de même sexe, reste refoulé dans l’inconscient de l’enfant jusqu’à sa résolution naturelle par mentalisation de la nature irréaliste de cette rivalité et retournement vers le parent du même sexe comme modèle identitaire.
L’interdit de l’inceste est le pivot du complexe d’Œdipe. Quand il se produit, le passage à l’acte crée une véritable effraction agressant l’inconscient de l’enfant qui le subit. L’inceste s’oppose à la réussite de la triangulation œdipienne : deux personnes se rencontrent : l’incesteur et l’incesté, rencontre dissymétrique : pour le premier ce n’est qu’une pulsion narcissique sauvage, incontrôlée, pour l’autre un traumatisme majeur, une blessure qui le frappe au cœur de son intégrité physique et psychique.
L’incestuel, lui, est seulement, je cite Racamier : « un climat où souffle le vent de l’inceste sans qu’il y ait inceste ». Les conséquences en sont différentes mais affecteront les enfants qui en sont victimes dans leurs comportements adultes sur le plan social, familial ou sexuel.
L’incestuel peut se définir comme un inceste psychique, symbolique et dans ce domaine comme dans la plupart des phénomènes humains la frontière entre le normal et le pathologique reste très imprécise, d’autant plus imprécise que sa nature, ne dépassant jamais le territoire secret de la famille, lui permet d’échapper aux définitions abruptes du légal.
L’incestuel est un dysfonctionnement à la fois psychique et relationnel. Il reste apparenté à l’inceste lui-même dont on ne saurait le distinguer entièrement. C’est avant tout un climat, une sorte de mise en intrigue déviante des relations familiales et un problème psychologique personnel qui entraîne pour reprendre la belle formule de Stefan Zweig en lui prêtant un sens différent une redoutable « confusion des sentiments ».
On peut commencer par le plus apparent et évoquer cette « atmosphère » incestuelle. Vues de l’extérieur les manifestations peuvent en sembler banales, anodines, pour certains même correspondre à des attitudes dites « libérées » : enfants adulés, c’est un des parents qui se présente alors en séducteur, enfants dormant trop longtemps dans le lit des parents, contacts prolongés peau à peau avec la mère, promiscuité familiale, bains pris en commun jusqu’à un âge trop avancé, confidences des parents sur leur propre vie sexuelle… (la proposition d’initiation est déjà par contre en elle-même un passage à l’acte).
On peut dire que l’incestuel est marqué de l’empreinte de l’inceste sans que la transgression sexuelle soit fatalement accomplie, l’incestuel est un dysfonctionnement des liens familiaux qui se situe en-deçà de l’Œdipe et de l’interdit de l’inceste. L’incestuel est le lieu encore virtuel entre inceste fantasmé et inceste sexuellement réalisé.
Si la situation incestuelle ainsi définie est assez fréquente, il faut nous interroger maintenant sur le cheminement qui y conduit. Ce cheminement emprunte schématiquement deux voies principales étroitement liées entre elles : la séduction narcissique et ce que Racamier a appelé l’antœdipe.
La séduction narcissique
À la base est la dyade mère-enfant, cette unité originaire, cet état totalement fusionnel au départ dans lequel chacun fait encore partie de l’autre. C’est un paradis que l’enfant doit normalement quitter pour grandir, c’est-à-dire s’individualiser. Paradis trop tôt perdu dont notre inconscient garde toujours une secrète nostalgie. C’est l’irruption de la séparation inévitable dans l’illusion du non séparable, l’illusion d’être un à deux. Dans une évolution satisfaisante, l’enfant réussit, non sans angoisse, cette séparation, la relation narcissique commence à se distendre lorsque les forces inconscientes qui poussent à la différenciation, à l’autonomie entrent en concurrence avec elle. L’émergence du Moi en achève le déclin.
Il en va autrement quand opère la séduction narcissique de la mère pour tenter de pérenniser cette fusion où chacun puisse se reconnaître en l’autre dans une relation mutuelle exclusive et comme à l’écart du reste du monde, cette fusion que Racamier appelle l’unisson. La relation initiale de double lien existant normalement entre la mère et l’enfant est défigurée le lien se transforme en ligature ou ligotage dont l’enfant devient prisonnier. Selon Racamier, la mère peut dire : « Ensemble nous formons un être à tous égards unique, inimitable, insurmontable et parfait. Ensemble nous sommes le monde et rien ni personne d’autre ne saurait nous plaire, ensemble nous ignorons le deuil, l’envie, la castration et l’œdipe… » Le fantasme de toute puissance rejoint le fantasme d’unisson.
La séduction ne s’achève pas, tout simplement parce que la mère (mais parfois aussi le père) ne le veut pas. La séduction se pervertit et devient manipulation. La symétrie qui normalement organise une relation disparaît. L’enfant devient le miroir dans lequel la mère cherche son image, son identité, il devient son indispensable complément, le témoin et la preuve de son existence. La séduction se fait rapt tout en demeurant ravissement. L’enfant est projeté comme objet purement narcissique, l’impossibilité de faire le deuil de l’unisson oblitère toute autre mode de lien. Remarque saisissante d’une patiente ainsi « incestuée », parlant de sa mère : « Je pourrais faire son autoportrait ! » Cet enfant ne peut acquérir aucun statut individuel, donc exister en tant que personne : il est l’instrument de survie du narcissisme de ses parents, une sorte de délégation narcissique, une idole à tout faire et l’idole adore l’idolâtre en retour. Paré en secret de toutes les qualités qu’on lui prête il est lui-même ébloui et fasciné en même temps que confondu. Incarnant un idéal absolu il est prisonnier d’une projection narcissique dévorante car il doit combler à lui seul tous les manques de l’auteur(e) de cette idolâtrie.
L’enfant incestué a été soumis à une emprise alors qu’il croyait être aimé.
L’enfant incesté se croit coupable alors qu’il est victime.
Œdipe et Antœdipe
Quelle est la chaumière où l’on n’a pas de nos jours une vague idée de ce qu’est le fameux complexe d’Œdipe ? Nous l’avons vu ce conflit se noue envers les deux parents dans le registre de la sexualité. Il est fait d’une attirance fantasmée inconsciente envers le parent du sexe opposé (ou parfois du même sexe) et d’un rejet du parent du même sexe (ou du sexe opposé). Cette situation est souvent compliquée par la tendresse que peut inspirer le parent jalousé et la réactualisation à cette occasion des traces de la relation œdipienne dans l’inconscient des parents eux –mêmes.
L’Antœdipe (préfixe ante : avant) – à ne pas confondre avec l’Anti-œdipe de Deleuze et Guattari – est le conflit des origines qui met en jeu la tendance spontanée de l’enfant à l’individuation et la tendance inverse à rester uni à l’objet primaire, c’est-à-dire la mère. Ce qui a fait dire à Racamier : « Il y a pire que la castration, l’horreur de la distinction et de la différence des êtres. » L’antœdipe est une phase du développement précédent ou accompagnant l’avènement du conflit œdipienne : c’est ce qui est avant et c’est ce qui est contre, ce qui fait obstacle au deuil originaire et sidère l’enfant dans une position où il est à la fois le jouet et l’enjeu d’une séduction narcissique aliénante qui fait barrage à ses forces innées d’individuation et de maturation. C’est un des grands mérites de Racamier d’avoir mis en évidence l’importance de ce conflit antœdipien alors qu’à la même époque et dans une réciproque ignorance l’un de l’autre. Claude Crépault au Québec décrivait le même phénomène en y ajoutant la notion de genre sous forme de ce qu’il nommait le complexe genral nucléaire et en faisait la base d’une approche nouvelle des désordres sexuels appelée par lui Sexoanalyse.
Les personnages en scène sont dans l’Œdipe le père, la mère et l’enfant, constituant le fameux triangle œdipien, dans l’antœdipe l’enfant et la mère qui porte en elle le sceau du père géniteur mais aussi le dépôt des générations précédentes. L’œdipe aboutit normalement à l’interdit de l’inceste, l’antœdipe à un interdit différent : l’interdit de l’indifférenciation, c’est cet interdit qui empêche la confusion des êtres, des genres et des générations.
L’enjeu de l’œdipe est l’identité sexuelle.
L’enjeu de l’antœdipe est l’identité de genre et l’identité personnelle.
L’œdipe par le complexe de castration aboutit à l’interdit de l’inceste.
L’antœdipe aboutit à l’interdit de l’indifférenciation qui entraînerait confusion des personnes, des genres et des générations.
Si l’interdit de l’indifférenciation n’est pas respecté, l’interdit de l’inceste a de grands risques de ne pas l’être, cette situation est l’incestuel.
Tout inceste est violence mais l’incestuel lui-même est violence en soi.
L’inceste dans une génération induit un climat incestuel dans les générations suivantes.
Telle est l’histoire de Géraldine. Cette jeune femme de 27 ans vient consulter pour un désir sexuel qui disparaît rapidement après les premières semaines de toutes ses relations masculines, la sexualité est pour elle inutile, sale, bestiale, elle ne s’est jamais masturbée et ne tolère pas le cunilingus. Son grand-père maternel a abusé de la sœur aînée de sa mère avec la complicité active de la grand-mère. Cette sœur, sa tante, a par la suite abusé de sa mère. Le grand-père lui-même avait été violé par sa mère et sa tante. Sa mère l’a entourée et l’entoure toujours d’un amour très fusionnel, elle l’a informée dès ses 13-14 ans de l’histoire familiale, le père est insignifiant. Nous sommes dans l’incestuel.
L’incestuel, nous l’avons vu, est un rapt narcissique que l’inceste peut transformer en rapt sexuel.
Il ne faut pas se laisser tromper par les apparences fusionnelles de la relation incestuelle, l’unisson ne passe pas par la tendresse, qui est prise en charge de l’existence de l’autre en tant qu’autre.
Enfermée dans son ego la mère incestuelle est en réalité inaffective, son enfant est élevé, choyé, encensé mais pas tendrement entouré. Cela n’est paradoxal qu’en apparence, la symbiose habituelle mère–enfant est amour et échange réciproque, séduire (se ducere), c’est conduire à soi l’autre pour le posséder.
Une mère vraiment aimante n’éprouve pas à tout moment le besoin de théâtraliser son amour avec des gestes et des phrases. Si elle souffre de voir son enfant grandir et s’éloigner c’est en silence, cela ne l’empêche pas de s’en réjouir pour lui et l’aider dans cette démarche, elle se soumet ainsi au mouvement de la vie et peut s’ouvrir personnellement à d’autres désirs.
La mère incestuelle veut l’enfant pour elle, rien que pour elle, elle le garde captif et s’enferme avec lui dans un hors monde, un hors vie où elle en jouit en secret, toute à sa pulsion de mort.
L’incestuel baigne dans le secret. Le rôle du secret est d’occulter les origines de telle sorte que seule la séduction narcissique puisse emprisonner dans le silence l’enfant qui en est l’objet, on peut déjà dire, même en l’absence de tout abus physique, la victime. Tout se passe dans le non savoir, le non dit, le non à penser. Le secret incestuel est donc aussi secret des origines. Emilie a trente ans, elle est mariée et a une petite fille de trois ans. Depuis la naissance de sa fille elle ne peut plus avoir de relations sexuelles avec son mari. Elle n’a jamais connu son père. À l’âge de vingt ans seulement sa mère lui a dit qu’elle avait fait l’amour avec un inconnu et s’était retrouvé enceinte : « enfant, je m’inventais des pères », me confie-t-elle. Elle vivait avec sa mère une relation très fusionnelle, elle a dormi avec elle jusqu’à dix ou onze ans. Ce n’est qu’après une dizaine de consultations qu’elle peut dire : « Enfant je vivais souvent chez mes grands-parents maternels, ma grand-mère et mon grand-père faisaient chambre à part, moi je dormais dans la chambre de mon grand père quand j’avais six ,huit ans, je couchais dans un petit lit à côté du sien, il me faisait venir dans son lit et me caressait Une fois il m’a demandé de le lui faire. Il m’interdisait d’en parler et je n’ai jamais osé. Je me sentais coupable de le laisser faire et d’avoir une fois ressenti quelque chose comme du plaisir. »
Le secret peut traverser les générations. Silence, sidération sont la chape de plomb qui tombe sur l’enfant. Si l’inceste consommé crée inévitablement l’incestuel, un climat incestuel transmis sur plusieurs générations facilite le passage à l’acte de l’inceste.
Si l’on suit les hypothèses de Racamier le rôle de la mère est donc prédominant dans les familles incestuelles, les pères sont souvent absents ou déniés, dans ces familles les repères habituels basés sur la différenciation des sujets, des genres et des générations sont brouillés, l’enfermement narcissique se reproduit chez l’incestué au risque qu’il devienne un jour lui même incesteur.
Si l’interdit de la confusion des êtres n’est pas respecté, tôt ou tard l’interdit de l’inceste ne le sera pas non plus.
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12 décembre 2009

Les caractéristiques des symptômes post-traumatiques de maltraitance infantile : inceste et maltraitance physique = Post-traumatic symptomatology in c

Par Ricky FINZI
École d'assistants sociales, Université de Bar-ilan, Ramat Gan 52900, Israël et Hôpital Psychitrique Geba, Centre Médical Rabin, Petah Tiqva, ISRAEL
Sam TYANO Hôpital Psychiatrique Geha, Centre Médical Rabin, Petah Tiqva, Israël et Faculté de Médecine Sackler, Université de Tel Aviv, Tel Aviv, ISRAEL
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Revue / Journal Perspectives psychiatriques ISSN 0031-6032 Source / Source 2002, vol. 41, no5, pp. 389-399 [11 page(s) (article)] (58 ref.)Langue / LanguageFrançais
Editeur / Publisher EDK, Paris, FRANCE (1963) (Revue)
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L'objet du présent article est, d'une part, l'analyse des caractéristiques des symptômes post-traumatiques (PTSD, trouble de stress post-traumatique) d'enfants qui vivent ou qui ont vécu une maltraitance sexuelle (l'inceste) et physique et, d'autre part, en référence aux théories de la relation d'objet et de l'attachement, la mise en exergue des conséquences – au long terme – de ce type de traumatismes sur le développement de la personnalité de ces enfants. Ainsi, afin de surmonter une maltraitance continuelle au sein de la famille, ces enfants utilisent des défenses telles que : l'identification à l'agresseur, le clivage, un comportement auto-destructif et des défenses dissociatives. Le style d'attachement qu'ils développent est non sécure, anxieux ou encore évitant. Nous nous proposons de conclure cet article en ouvrant sur différentes directions de recherches et des propositions thérapeutiques.
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3/ Toute perte, tout deuil est une souffrance par Anne Ancelin Schützenberger

Page 65
Les maladies organiques graves, qui mettent la vie en danger, ainsi que les maladies psychosomatiques ou la « déprime », sont souvent liées à un travail de deuil non fait qui taraude la personne ou ses descendants par des fidélités familiales inconscientes, des liens transgénérationnels, des « loyautés invisibles ». Un travail sur la transmission transgénérationnelle de traumatismes graves permet souvent d'en retrouver l'origine il y a plusieurs générations. Certains cancers, certaines maladies des voies respiratoires ou digestives, certaines tuberculoses et ulcères, peuvent également parfois être liés à une répétition du choc d'une perte subie dans l'enfance et à l'époque surmontée. Mais lorsque une seconde perte survient, elle est vécue bien plus dramatiquement encore, parce qu'elle vient en écho réactiver de façon décuplée la première « perte d'objet d'amour », ainsi que toutes les autres [1]. Par exemple, les « blessés de la vie », les polytraumatisés, les victimes qui deviennent « victimes revictimisées ».
…/…
Toute perte affective, tout deuil est un choc qui fait que « le sel perd sa saveur» et le monde ses couleurs; l'envie de vivre, de travailler s'étiole, s'assombrit. Comme si, pour certains, le temps se fixait, se figeait, et qu'un « ressassement » débutait, une « rumination triste » et souvent sans fin, provoquant une diminution de l'élan vital. La personne se retrouve en période de fragilité, ouverte à la maladie, aux accidents, à toutes les infections, voire à la mort, comme le montrent de nombreuses études portant sur la mort fréquente du veuf (ou de la veuve) dans l'année qui suit la perte du conjoint.
Toute perte, tout deuil est une souffrance si cruelle, et le travail de deuil est si long et si douloureux, que l'on cherche mille façons d'éviter cette souffrance pour ne pas avoir à affronter une réalité trop dure, « invivable », et avoir moins mal... Certaines d'entre elles sont de fait des voies sans issues, car elles fixent la personne traumatisée dans la souffrance, ou dans la négation de cette souffrance. Cela provoque parfois une ou des vies gâchées, car les descendants en souffrent aussi et risquent, par loyauté familiale invisible, de revivre dans leur corps l'accident, la maladie gravissime au même âge, voire la mort.
Même si « la tête » oublie la date d'anniversaire ou l'âge de la « perte d'objet d'amour », le corps, lui, n'oublie pas, car il y a eu empreinte. Même si l'on croit avoir oublié, en fait on n'oublie pas d'oublier de prendre les précautions normales de survie, ce qui va créer – ou plutôt : « recréer » – l'accident mortel ou gravissime. Souvent, on nous a mis en garde. Par exemple, un pompiste nous a conseillé de changer les plaquettes de freins avant un départ. Mais nous n'en avons pas tenu compte, nous nous sommes dit : « Plus tard, je n'ai pas le temps aujourd'hui, ça ira… » Et l'accident est au rendez-vous…
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Autres billets sur le livre Sortir du deuil
1/ Sortir du deuil
2/ Tuer le mort qui est en nous ?
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7 décembre 2009

3/ Pourquoi ne pas partir avant d'être quittée ? L'autre attitude consiste en effet à tout faire pour que l'autre s'en aille, par Daniel Dufour

Page 42
Il était logique qu'en se mariant Pascale s'enfonce un peu plus dans sa peur de ne pas être aimée : comment son mari faisait-il pour l'aimer, elle que personne jusqu'à présent n'avait pu aimer ? Tant que son mari ne s'occupait que de son travail et de sa propre personne sans lui accorder beaucoup d'attention et en la laissant presque tout assumer, ce qui était une façon de ne pas la considérer comme une personne à part entière, Pascale se retrouvait dans une fonction bien connue d'elle : faire tout au mieux pour les autres par peur d'être délaissée et à seule fin d'être aimée d'eux ; s'oublier totalement au profit de son entourage et essayer d'atteindre la perfection ; cela, même si Pascale, au fond d'elle-même, savait que son comportement était un leurre. Quand son mari a changé d'attitude envers elle, après qu'elle lui eut parlé, elle a continué d'être dans l'abandonnite : même si elle pouvait envisager, sur le plan des idées, que son mari l'aime, elle ne pouvait admettre qu'il l'aime à ce point puisque :
« Je ne suis pas aimable » Et même s'il le lui montrait et changeait dans la réalité, il lui fallait se protéger puisque, de toute façon, cela se terminerait par un abandon qui serait alors encore bien plus douloureux que ceux auxquels elle avait déjà survécu ... Et quelle est la meilleure défense ? L'attaque. Donc pourquoi ne pas partir avant d'être quittée ? L'autre attitude consiste en effet à tout faire pour que l'autre s'en aille. C'est cette direction que Pascale avait inconsciemment choisie. Heureusement, pourtant, elle a pu exprimer la colère que son mental avait bloquée depuis des années, ce qui lui a permis d'accepter de façon réelle et profonde qu'elle avait le droit d'être aimée, qu'elle était « aimable ». Cela n'a été possible qu'à partir du moment où elle s'est permis de s'aimer elle-même en s'accordant le droit de vivre le moment présent et de laisser s'exprimer ses émotions.
Tout ce travail, car cela en est un, ne s'est pas fait en un jour: Il a pris environ un an. Le mot « abandonnite » n'a été prononcé qu'une fois lors de nos rencontres, au cours desquelles tout s'est passé simplement : j'ai accompagné Pascale dans la découverte progressive de ce qui n'allait pas en elle et de ce qu'elle avait envie de changer afin de se sentir mieux. À aucun moment il n'a été question de théorie ; l'essentiel, en effet, était que Pascale se laisse aller à ressentir la colère qui l'habitait, non de lui donner des explications qui sont peut-être justes sur le plan conceptuel, mais qui n'apportent souvent pas grand-chose.
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Autres billets sur le livre La blessure d'abandon
1/ La blessure d'abandon
2/ Le mental est-il utile dans la blessure d'abandon ?
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3/ Victime d’inceste et de la théorie du syndrome des faux souvenirs

Par Maritée
Au moment où j’ai terminé ce livre, Ma vie en pièces détachées*, j’avais trouvé les moyens pour guérir en profondeur. Comme après un orage, un mince filet de lumière commençait finalement à se montrer timidement le bout du nez. Si j’étais encore loin de me souvenir de tout ce qui s’était passé avec mon père, et par conséquent, d’avoir pu intégrer tous mes traumatismes, au moins je savais maintenant quels moyens prendre pour y parvenir, pour guérir en profondeur. Je venais de faire la rencontre de deux anges qui allaient m’apporter une aide non négligeable. Je n’étais cependant pas au bout de mes peines.
Depuis, d’autres souvenirs très durs ont émergé à ma conscience, amenant à chaque fois avec eux le doute inhérent au fait que quelque chose d’aussi terrible ait pu s’être produit. Amenant aussi avec eux leur cortège de signes et symptômes physiques : respiration rapide, souffle court, toux creuse, muscles crispés, douleurs pelviennes, douleurs aux poignets, mains engourdies, étourdissements, pleurs, cris. J’ai aussi réalisé que, non seulement la petite que j’étais a eu peur de mourir, mais que paradoxalement elle a aussi demandé à mourir en appelant intérieurement au secours : « Petit Jésus, pourquoi ne viens-tu pas me chercher ? Après tout tu es bien venu chercher ma sœur. Pourquoi pas moi alors ? » (…)
À mesure qu’un même souvenir se mettait à émerger à plusieurs reprises et à
tout moment de la journée, le doute faisait place à de plus en plus de certitude, me permettant ainsi de reconstituer peu à peu le puzzle de ma vie.
Essentiel, car comment intégrer des traumatismes et faire le deuil d’une enfance meurtrie quand on ne sait même pas de quoi on doit faire le deuil ? Se rappeler, pas nécessairement dans les moindres détails, mais au moins de la gravité et de la teneur de ce qui s’est passé pour retrouver la compassion pour la petite fille que j’ai été. Et cesser par le fait même d’avoir envie de me faire du mal, puisque je réalise maintenant toute l’horreur de ce mécanisme de défense que j’ai utilisé si longtemps dans le but d’avoir l’« impression » de garder le contrôle sur ma vie.
Oui, je me suis rappelée. Me rappeler jusqu’à vouloir par moments oublier à nouveau, tellement ce qui émergeait était difficile ! Tout un revers de situation, moi qui me suis livrée de façon obsessive pendant de nombreuses années à une quête frénétique de ma vérité ! Mais il fallait me rappeler, pour en finir avec ces flashbacks qui me plongeaient auparavant dans une panique et une terreur diffuses sans que je n’en connaisse la cause exacte, contrastant nettement avec la négation de ma famille et me déchirant en milles morceaux. Mais aujourd’hui je peux dire que je préfère nettement la vérité, si dure soit-elle, et les douleurs physiques qui accompagnent les souvenirs, à l’inconscience dans laquelle je me trouvais auparavant. Cette CONSCIENCE qui fait que je deviens de moins en moins la proie de mes traumatismes puisque je les connais, que je peux maintenant leur faire face sans perdre les pédales et que je les intègre de plus en plus.
Quel soulagement ! Mais en même temps, lorsque je regarde en rétrospective le trajet que j’ai parcouru depuis maintenant 13 ans, la révolte m’envahit. Lorsque je considère toutes ces années de détresse supplémentaires que j’ai vécues et qui auraient pu être évitées si mon entourage supporté par cette théorie des faux souvenirs, n’avait pas mis un frein continuel à ma guérison en me disant sans cesse qu’il ne s’était rien passé et que tout cela n’était qu’implanté. Qu’ils m’aimaient et m’avaient toujours chérie ! Que tout ce qu’ils désiraient, c’était qu’on reprenne notre « belle vie de famille » en effaçant ce que ces thérapeutes supposément mal intentionnés m’avaient mis dans la tête. Comme si j’avais subi une lobotomie ! Quel déchirement inutile, déchirement qui est déjà omniprésent chez toute victime d’inceste sans qu’on ait en plus à en rajouter ! Tous ces moments où j’ai pensé à en finir avec la vie ont toujours été provoqués par cette extrême discordance entre mes flashbacks et cette « théorie » supportant la négation de ceux que j’aimais le plus au monde.
Deux versions complètement et diamétralement opposées.
Comment me souvenir dans une telle situation ? Comment en arriver à visualiser la cause de mes flashbacks pour pouvoir enfin assimiler et intégrer mes traumatismes, alors que je me faisais sans cesse répéter que tout n’était que pure fabulation ? J’aurais bien aimé que cela soit le cas. L’être humain n’est pas, dans son essence, masochiste. Hélas, ce n’était pas de la fabulation. Cela ne l’était pas, cela ne l’avait jamais été. J’ai pu avancer à pas de géants sur la voie de ma guérison seulement quand j’ai été en mesure de rompre définitivement les liens avec ma famille, de ne plus avoir d’attentes.
Ce qui me fait dire aujourd’hui que cette théorie du syndrome des faux souvenirs peut s’avérer meurtrière lorsqu’elle est appliquée de façon généralisée et sans discernement. C’est le principal but que j’ai poursuivi en écrivant ce livre : dénoncer le tort considérable que cette théorie m’a fait. Non seulement à moi, mais sûrement à plusieurs autres personnes. Et qui n’a pas fini de faire ses ravages.
Le système légal est basé sur la présomption d’innocence, ce qui fait que tous les abus sexuels commis dans l’intimité, et encore plus l’inceste, sont déjà en partant difficiles à prouver par des faits tangibles. Déjà difficile donc d’obtenir justice pour des victimes qui n’avaient jamais oublié. Était-il nécessaire en plus d’en rajouter jusqu’à priver les victimes d’inceste aux VRAIS souvenirs occultés d’un support thérapeutique vital, en discréditant leurs thérapeutes bien intentionnés et pas nécessairement adeptes de l’abus-sexuel-à-tout prix ? Les abuseurs d’enfants sont déjà avantagés sur le plan de la justice. Était-il nécessaire qu’on aille leur chercher des munitions supplémentaires pour se défendre, en leur donnant une raison de s’immiscer dans l’espace psychothérapeutique de leurs victimes ? Celles-ci ont déjà subi le viol de leur intimité dans leur enfance.
Permettre à leurs abuseurs de « pénétrer » dans l’intimité de leur espace thérapeutique, pour essayer de saper à la base les souvenirs qui tentent d’émerger, ne correspond-il pas à reproduire à nouveau l’abus, la transgression des limites ?
Il y a une raison pour laquelle ces souvenirs étaient restés enfouis parfois très longtemps. C’est qu’ils étaient trop difficiles à gérer. Au lieu d’encourager ces victimes qui trouvent enfin le courage de faire face à leurs démons intérieurs, aidés de leurs thérapeutes tout aussi courageux, la théorie du syndrome des faux souvenirs fait l’inverse en identifiant automatiquement de la malfaisance là où c’est tout le contraire qui se passe. Cette théorie qui peut peut-être s’appliquer dans certains cas, est malheureusement devenue dans les deux dernières décennies, comme une mode faisant en sorte qu’il faudrait maintenant prouver « hors de tout doute raisonnable » que les souvenirs ne sont PAS implantés et que les thérapeutes sont de bonne foi. Ce qui revient à mettre ces aidants au ban des accusés au lieu des vrais coupables ! Comme le monde à l’envers ! Je dirais qu’il faut CROIRE les victimes aux souvenirs refoulés, avoir de la compassion pour elles plutôt que de se positionner sur le modèle antagoniste de la cour. Et si ces souvenirs s’avèrent faux, ils ne perdureront pas, étant donné qu’ils sont source d’une grande souffrance et que l’être humain a tendance à tout faire pour ne pas souffrir.
Je me relève donc tranquillement de cette saga avec ma famille qui aura duré au moins dix ans et qui m’aura causé plus de torts que les traumatismes de mon enfance eux-mêmes. « Faute avouée est à moitié pardonnée ». Il est rare qu’un abuseur avoue quoi que ce soit, mais qu’il entraîne tout le reste de sa famille à croire comme lui en des souvenirs implantés fait en sorte que la victime se retrouve complètement isolée, ostracisée. Mais tout cela est maintenant du passé. Je peux maintenant guérir, panser mes plaies en toute quiétude sans me faire dire que « plaies il n’y a pas. »
Le processus de guérison ne se fait pas en ligne droite. Il m’a fallu et me faut encore parfois rebrousser chemin pour pouvoir mieux repartir par la suite. Mais jamais je ne retourne aussi bas qu’auparavant. J’ai acquis plus de solidité.
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L’auteure est née au Québec. Elle est titulaire d’un Ph.D. en sciences. Elle a étudié auparavant en médecine, mais a dû abandonner ses études au début de sa 4e année après avoir complété avec succès un premier stage d’externat en psychiatrie. Incapacité de continuer par blocage psychologique. Échec cuisant relié à un malaise profond et inexplicable relié à l’examen physique des patients. Plus tard, elle a aussi complété une formation de base de 750 heures donnée par une école privée de formation de psychothérapeutes. De par ses études, l’auteure a pu non seulement livrer son histoire, mais aussi l’analyser et la supporter par des ouvrages de références consultés, devenant par le fait même son propre sujet de recherche.
*Ma vie en pièces détachées. Souvenirs retrouvés d’inceste ou faux souvenirs, Éditions J’ai l’Espoir, 2009, 342 pages. Format : 15 x 23 cm. Prix : 24,95$. Préface de Blanche Landry. Aide à l’écriture : Nadine Guezennec. Auteur Conseil, Spécialiste des Récits de Vie. ISBN : 978-2-9811476-0-8. Mis en ligne sur Sisyphe, le 25 novembre 2009 © Sisyphe 2002-2009
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Autres billets sur le livre Ma vie en pièces détachées
1/ Ma vie en pièces détachées
2/ Thèse du syndrome des faux souvenirs d'inceste
4/Souvenirs d'inceste retrouvés à l'âge adulte
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5 décembre 2009

Les silences de la loi par Marie-Pierre Porchy

Les silences de la loi - Un juge face à l'inceste
Marie-Pierre Porchy
Broché
Paru le : 15/10/2003
Editeur : Hachette
ISBN : 2-01-235686-9
EAN : 9782012356863
Nb. de pages : 176 pages
Poids : 215 g
Dimensions : 13cm x 20cm x 1,3cm
30 % des affaires jugées dans les cours d'assises concernent des viols sur mineurs.
Avant la rue, le premier lieu d'insécurité pour l'enfant est le toit familial. C'est souvent un père, un beau-père ou un oncle qui va, des années durant, abuser d'un enfant dans le silence profond et verrouillé d'une famille. Face à cette délinquance "ordinaire", la loi n'offre qu'un silence coupable en ne posant pas les interdits fondamentaux. L'interdit de l'inceste n'est ainsi pas inscrit dans notre code pénal...
Marie-Pierre Porchy, juge d'instruction, s'élève contre ce tabou légal et contre un fonctionnement judiciaire source de nouvelles injustices – froideur des textes face à la parole fragile de l'enfant, accueil judiciaire traumatisant qui, avec ses non-dits, brise la victime au lieu de la réparer. Forte de son expérience de magistrat, elle imagine, à travers les cas qu'elle a suivis, une justice plus humaine, plus ouverte à l'aide psychologique.
Ainsi son livre propose-t-il une vision neuve d'un sujet surmédiatisé mais paradoxalement toujours pétrifié dans les lourdeurs du tabou.
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1 décembre 2009

Assemblée nationale 33 lobbyistes autorisés

01/12/2009
Une première liste de représentants de groupes d’intérêts, d’entreprises ou de syndicats a été publiée. Eux seuls sont autorisés à accéder au Palais-Bourbon. Le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a publié la liste des 33 premiers lobbyistes à avoir montré patte blanche et qui sont autorisés à accéder au Palais-Bourbon. Le nom, la fonction, les intérêts représentés, l’employeur et la nature de l’employeur (organisation professionnelle, syndicat…) de chacun sont clairement indiqués. Ces lobbyistes "transparents", et seulement eux, peuvent se voir attribuer un badge journalier d’accès.Pour lire la suite de l'article cliquez sur le logo Profession politique
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Autres billets sur le lobbyisme

La victoire des lobbies dans les Assemblées par Jean-Claude Benard
Récupération des "victimes" Isabelle écrit à Martine
Les associations font l'esprit des lois, Leur lobbying influence fortement les politiques par Ondine Millot


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30 novembre 2009

Allice Miller et la violence éducative

Aberration
lundi 30 novembre 2009
Bonjour,
Je partage vos idées sur le fait qu'il est inhumain de maltraiter les enfants. J'ai constaté que beaucoup de personnes ne se rendent pas compte que ce qu'elles font subir à leurs enfants porte indéniablement ce qualificatif, et que l'indifférence de l'entourage est quasi générale.
Pour exemple, hier j'étais à un concert et un enfant s'est mis à pleurer. Je ne voyais pas où il était mais il était manifeste que ses pleurs étaient étouffés par une main sur sa bouche afin que les spectateurs autour ne soient pas importunés. J'ai trouvé cela scandaleux pour ce petit. Il aurait mieux valu qu'un adulte sorte de la salle avec lui, sachant qu'un enfant ne peut rester immobile et silencieux durant 2 heures.
Autre exemple. J'étais à la caisse d'un supermarché. Après moi s'est présenté un homme avec 3 enfants en bas âge. Il a demandé à l'aîné de mettre les provisions dans un sac. Viblement il n'y arrivait pas. Il devait avoir 5 ans. Le père très nerveux l'a traité d'incapable en lui donnant une claque sur la tête. Et des exemples ainsi j'en ai plein. Il m'est arrivé de réagir en faveur de l'enfant mais toujours je me suis fait insulté par le parent. Que faire… ?
Récemment en France, une député, pédiâtre de métier, a déclaré vouloir déposer une loi interdisant la fessée. Lorsque j'ai lu les réactions nombreuses des internautes à ce projet, pas une seule n'a compris et a été favorable à cela. Les avis étaient tranchés et catégoriques. En résumé, de quel droit se mêle t-on de l'éducation des enfants qui doit, selon les réponses, rester dans la sphère privée familiale et ne concerner que les parents. Ces avis ne faisaient pas suite à une rélexion car aucune personne n'a dit avoir lu ou étudié cette question. Les gens étaient contre, point. Selon eux, leurs enfants sont leur propriété, et de ce fait ils peuvent en disposer comme bon leur semble.
Même un ministre s'est rapidement empressé dans un communiqué de s'élever contre cette loi.
Moi qui croyais naïvement que les mentalités avaient évoluées, on en est loin. Personne ne s'est demandé pourquoi la France a la 1ère place au monde en matière de consommation d'antidépresseurs, anxyolitiques etc… Et que les suicides sont si élevés chez les jeunes !
Réponse de Brigitte :
Vous avez absolument raison, la violence éducative est omniprésente où que nous nous trouvions et tout le monde cautionne ces actes humiliants et inhumains y compris les hauts responsables du gouvernement qui sans vergogne ricanent et s’insurgent contre la loi. Malheureusement nous sommes confrontés à une masse de dangereux ignorants dans le seul but d’éviter l’ultime sanction, comme quand nous étions enfant, si on osait voir la réalité de ce qu’étaient nos parents.
Dans cette optique, il est très difficile d’agir sans se faire agresser quand on vient en aide à un enfant en danger d’être battu ou humilié. En espérant qu’une prise de conscience se fera un jour pour le bien de l’humanité. BO
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Grazia : Comment être une bonne mère quand on a reçu l'inceste en héritage ?

DEMAGOGIE : Nom formé à partir de deux racines grecques : "démos" qui signifie "peuple" "agô" qui signifie "conduire". D'après son étymologie, ce mot signifie donc "l’art de conduire le peuple". Le mot "démagogie" désigne donc l’art de mener le peuple, particulièrement en captant sa faveur. Dans le lexique politique et en histoire, la "démagogie" est une attitude politique qui flatte les passions populaires dans le but d’obtenir le soutien du peuple, sans se préoccuper de ses réels intérêts. La démagogie est apparue avec la démocratie grecque. On trouve la démagogie dans toute démocratie.
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GRAZIA
Page 58
17 octobre 2009
Devenir mère après l'inceste.
Comment être une bonne mère quand on a reçu l'inceste en héritage ? Les victimes d'abus sexuels osent lever le tabou et témoignent à visage découvert pour montrer qu'elles peuvent être des parents comme les autres. Des témoignages forts et pleins d'espoir.
Par Aurélia Perreau
SANDRINE, 34 ans
Depuis que mes fils ont 5 ans, l'âge auquel j'ai subi l'inceste la première fois, chaque année, au moment de leur anniversaire, je fais ce même cauchemar : ils se font violer par un membre de la famille. Je suis là, je les regarde. Je hurle, personne ne m'entend. Je suis impuissante. Toute aussi impuissante que je l'étais quand mon oncle m'a entraînée derrière une voiture pour m'agresser sexuellement. Il avait 16 ans, le triple de mon âge. Mon père l'avait surpris, même engueulé. Malgré tout, l'oncle était devenu mon baby-sitter. Le week-end, le mercredi, quand mes parents sortaient le soir, je savais ce qui m'attendait : un viol, qui se répétait. Sous le toit familial. Etait-ce normal ? Oui, peut-être. La normalité à la maison, c'était un père violent et alcoolique. Mon oncle qui m'offrait des nuisettes affriolantes à Noël. Ma mère qui découvrait du sang dans ma culotte à 8 ans. Personne ne réagissait ? A rien ? Alors je ravalais ma honte. J'étais timide et renfermée. Une petite fille « bien sage n'avait à subir ça. Comme j'avais été incapable de dire non, je me suis sentie coupable. Ça a été l'explosion. Automutilations, violences… Un soir, j'ai braqué un couteau de cuisine sur mon oncle. Je l'avais caché sous mon oreiller. S'il avait insisté, c'est sûr, je l'aurais tué. A 16 ans, j'ai tout quitté. J'ai vécu dans la rue et je suis devenue toxico. C'est un petit ami qui m'a sorti de là. Il s'est occupé de moi, on s'est installé chez ses parents. Je suis tombée enceinte la première fois à 19 ans. Ça m'a paniqué ???. Comment être mère quand on n'arrive pas à se gérer soi-même ? Comment être mère quand les repères familiaux sont vidés de sens ? Dès que mon ventre s'est arrondi, j'ai rejeté tout le monde. Je devais rester seule avec mon bébé. A cinq mois de grossesse, les médecins m'ont mise en arrêt maladie. Nous avons vécu plusieurs mois en autarcie, mon ventre et moi. Jusqu'à l'accouchement. Atroce. Ça a duré quatorze heures. Les gestes maternels, le peau à peau, l'allaitement, j'en étais incapable. Je voyais l'inceste partout. J'ai fait une grosse dépression. On l'étiquetait baby-blues. Tout ce passé que l'on n'avait pas traité me sautait à la figure. J'avais des pulsions contradictoires : l'envie de l'abandonner dans la rue et, en même temps, je refusais que quiconque le touche. On me disait : tu es maman, réjouis-toi. Je pleurais. Je ne me sentais pas à la hauteur. C'est à partir du moment où il s'est mis à parler que je suis entrée dans la prévention à outrance. Avec l'aîné, d'abord. Puis le plus jeune. Parfois, j'achète cinq bouquins d'un coup sur la pédophilie, il n'en existe aucun sur l'inceste. J'y suis allée un peu fort, sans doute, le grand a eu une période où il n'osait plus me lâcher la main dans la rue… Du coup, j'ai fini par leur expliquer ce qui m'était arrivé. Ils ont compris. Je me suis sentie débarrassée d'un poids. Eux aussi, je crois. Mais je reste inquiète. Je ne supporte pas qu'il y ait une porte fermée dans la maison. J'ai du mal à les laisser dormir chez leurs copains et à faire confiance à un homme. J'ai suivi une longue thérapie qui m'a beaucoup aidée. Seuls les câlins continuent parfois à m'angoisser. Notamment avec le plus jeune. C'est mon portrait craché au masculin. Il est très tactile et fusionne ! Un jour, je me suis dit : si j'étais une mère incestueuse, si je voulais abuser de lui, ce serait très facile. Il ne s'en rendrait même pas compte. C'est là que j'ai vraiment pris conscience de la vulnérabilité des enfants lorsqu'ils sont en pleine confiance avec leur famille. Avoir réussi à créer ma famille, après tout ça, c'est ma plus grande victoire
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29 novembre 2009

Vivre après l’inceste par Michel Suard

Adolescence
L’Esprit du temps
I.S.B.N. 2847951158
192 pages
Pages 171 à 178
Résumé de l'article :
Cet article présente l’évolution de la situation familiale d’un homme incarcéré pour des crimes sexuels et des trois filles qui ont subi ces relations incestueuses. La thérapie familiale engagée pendant le temps de l’incarcération puis après la sortie en libération conditionnelle a permis, à partir du moment où le père a reconnu les faits, une reconstruction familiale et une véritable réparation des victimes qui ne veulent plus aujourd’hui être considérées comme « victimes ».
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This article presents the evolution of the family situation of a man imprisoned for sex crimes and the three girls who were victims of these incestuous relations. The family therapy undertaken during the imprisonment and after the conditional release enabled – once the father admitted the deeds – a reconstruction of the family and true reparations for the victims who no longer wish to be considered as «victims».
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Autres billets de Michel Suard
L’Inceste et la Loi par l' Association de Thérapie Familiale Systémique

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24 novembre 2009

L'inceste, crime contre l'humain par Maitre Catherine Perelumutter




Lundi 2 février 2009

Article de Catherine PERELMUTTER
publié sous le titre "l'inceste doit être imprescriptible"
dans les pages REBONDS de LIBÉRATION, le 18 Décembre 1997.

L'inceste est une relation sexuelle entre proches parents dont le mariage est interdit. Dans la famille incestueuse, confusion et répétition surgissent d'une génération à l'autre : il n'y a pas de limites entre les enfants et les parents. La demande de tendresse de l'enfant, peu entouré par sa mère, est interprétée ou entendue par le père comme une demande ou autorisation passionnelle, et il y répond par des gestes sexuels. C'est la confusion des langues dont a parlé Sandor Ferenczi, médecin et psychanalyste hongrois. L'interdiction de l'inceste, à l'origine de toutes les traditions, lois, et systèmes de parenté, en différenciant les générations, assure la pérennité de notre société. Mais la justice n'est pas au point.
L'inceste n'est pas reconnu dans le droit pénal français ; il constitue simplement une circonstance aggravante du viol (viol commis par une personne ayant autorité). Or on ne peut oublier que ce que l'on sait, ce que l'on reconnaît. Cette lacune juridique porte préjudice aux victimes d'inceste. L'amendement de 1989, qui a augmenté le délai de prescription de dix ans après la majorité, permet aux personnes de 28 ans de déposer plainte pour des abus commis après 1989 ; en revanche, les personnes âgées de 29 ans et plus sont forcloses pour poursuivre en justice leur agresseur. Ce délai n'est pas suffisant dans la mesure où la nouvelle loi s'applique pour des faits commis après son entrée en vigueur ; beaucoup de victimes d'incestes souffrent, d'autre part, d'amnésies destinées à les protéger contre l'horreur insupportable de la vérité. La lenteur et la lourdeur de la procédure sont également pesantes pour l'enfant déstabilisé, dont la parole est fugace et fragile. Toute cette procédure est une violence énorme pour l'enfant.
N'y a-t-il pas un autre moyen que d'exposer encore cet enfant à l'incertitude de l'issue du procès, qui est une violence d'autant plus grande que les magistrats, avocats et policiers ne sont parfois pas meilleurs parents que les autres? Sans compter les ordonnances de non-lieu, relaxes et acquittements des présumés coupables, qui anéantissent les enfants. Si on écoute attentivement les enfants victimes, on se rend compte que, la plupart du temps, ce qui importe le plus pour eux est que le parent abuseur avoue la vérité de ce qui s'est passé, et que la parole de l'enfant soit reconnue comme vraie. L'enfant ne désire pas que le parent abuseur aille en prison, mais qu'il change. C'est peut-être cela la réparation tant cherchée en la justice. Mais ce n'est pas forcément la justice pénale qui est la mieux placée pour l'obtenir. Dans l'attente d'une meilleure solution, le droit devrait reconnaître le crime d'inceste et le déclarer imprescriptible, afin que la victime puisse témoigner de ses souffrances atroces et se reconstruire dans la sérénité.
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Les réponses de la justice sont inadaptées, car notre société n'a pas compris l'ampleur du processus de destruction découlant de l'inceste, qui présente de fortes similitudes avec le crime contre l'humanité. La puissance du traumatisme est immense dans les deux cas. Le génocide juif est particulièrement caractéristique du crime contre l'humanité, qui rabaisse l'être humain au rang d'animal. L'inceste existe dans le règne animal, mais est interdit dans notre société occidentale. La victime de l'inceste subit une violence énorme et perd son identité en oubliant la vérité de son histoire tant le choc est immense. Les liens dans une famille incestueuse sont des ligatures qui empêchent l'enfant soumis à des relations fusionnelles de maturer sur le plan affectif. Les victimes d'inceste sont captifs de parents avides de confirmation narcissique, qui les utilisent comme des objets pour combler leurs manques et défaillances. Ils sont prisonniers à l'intérieur d'une forteresse, dont l'image extérieure peut ressembler à un paradis. La conspiration du silence s'installe dans un climat de terreur qui parfois dissimule le pouvoir détenu par la mère en apparence passive, profondément rejetante à l'égard des enfants et souvent envahissante, mais dont la responsabilité commence à être envisagée par les tribunaux.

La confusion des générations par l'inceste est mortifère. Il s'agit de destruction à plus ou moins long terme de l'humanité de l'enfant, de la famille et de la société. L'enfant victime d'inceste continue à l'âge adulte ce processus de destruction en s'autodétruisant s'il ne prend pas conscience de ce cercle vicieux. Le crime contre l'humanité lui aussi déshumanise les victimes réduites à l'état d'objets. Souvent, les thérapies préconisées dans les cas d'inceste s'appliquent sur trois générations ; de même dans les familles de déportés : la transmission inconsciente du traumatisme s'effectue sur trois générations. Hélène Epstein a publié aux Etats-Unis un livre, Children of Holocaust, qui explique la façon dont ces horreurs continuent à marquer la génération suivante. Le destin de ses parents, survivants de l'Holocauste, leur incapacité d'en parler ont marqué et gâché sa vie, et cela bien qu'elle soit née et qu'elle ait été élevée aux Etats-Unis. Cette souffrance muette ressemble à celle de l'enfant maltraité, elle est innommable, car l'on craint en ouvrant ce qui est enterré au plus profond de soi de trouver qu'on n'a pas le droit de vivre.
Paroxysme de la violence, les abus familiaux, et notamment l'inceste, obligent chacun de nous à se remettre en question. Notre société est lente pour se réveiller de son sommeil criminel, et à ce jour elle a tendance parfois à faire marche arrière. Ainsi, le négationnisme n'est pas une interprétation des faits, mais une négation des faits. Les négationnistes ont endormi leur conscience et ont fini par perdre la mémoire pour se déculpabiliser et échapper au jugement. La France n'a pas encore affronté directement sa réalité historique, puisqu'on commence seulement à parler soixante ans après des biens des juifs spoliés pendant la guerre. En réalité, dans les deux situations d'inceste et de crime contre l'humanité, une sorte de permissivité de la société a laissé perdurer de telles ignominies. Les travaux d'Alice Miller montrent que seule la prise de conscience émotionnelle par les adultes de ce qu'ils ont eu à subir jadis et de ce qu'ils ont reproduit dans leur aveuglement peut ouvrir la porte qui les mènera à la liberté et à la responsabilité. Le danger pour l'humanité est de courir à sa perte, en s'autodétruisant, en produisant des dictateurs paranoïaques Hitler est issu d'une famille maltraitante. Certains parmi les moins concernés parlent souvent de pardon, mais encore faudrait-il pour pardonner que le coupable demande pardon, un pardon qui appartient aux seules victimes. Vivre dans la haine et la colère perpétuelles est destructeur pour soi-même. Entre le pardon et la colère, qui est une étape nécessaire, il existe une voie étroite, celle de l'authenticité de son identité retrouvée.


Catherine Perelmutter est avocate au barreau de Paris, spécialisée en droit des personnes, et fait partie de l'antenne des mineurs du barreau de Paris.
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22 novembre 2009

Association de la Chaîne humaine contre les abus sexuels



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La prise en charge de pères en milieu pénitentiaire par le Dr. Luc Massardier

« En prison, le travail de thérapie tente d’amener ces pères à prendre conscience de la gravité des actes qu’ils ont commis sur leur fille » explique Luc Massardier, psychiatre, praticien hospitalier à l’hôpital Sainte-Anne à Paris et consultant en milieu pénitentiaire.
Dans quelles conditions exercez-vous votre travail ?

J’interviens depuis douze ans en milieu pénitentiaire. Sept ans au SMPR (Service médico-psychologique régional) de Nice en tant que chef de service, puis depuis 2001 au SMPR de Paris la Santé. Il existe seulement 24 de ces services en France sur 187 prisons. Idéalement, un SMPR comprend un chef de service, deux ou trois psychiatres temps plein, des psychologues, des infirmier-e-s, des assistantes sociales, des art thérapeutes et des secrétaires. En réalité la présence de ces personnels soignants est très différente d’un établissement à l’autre et de nombreux services sont sous dotés particulièrement en province et dans les sites dits « peu attractifs ». En dehors des SMPR, c’est-à-dire dans la quasi-totalité des établissements pénitentiaires, la couverture psychiatrique est assurée par les hôpitaux de rattachement situés dans l’aire géographique d’implantation de la prison. La présence médicale y est souvent très réduite, à l’image du sous-équipement général en personnels soignants des hôpitaux du service public.
Les SMPR suffisamment dotés permettent cependant de suivre convenablement les détenus. C’est grâce à ce travail réalisé en prison, qu’aujourd’hui nous sommes en mesure de comprendre la psychopathologie de certains pères incestueux.
Il n’y a pas en France d’obligation de soin en prison sauf pour une minorité d’agresseurs sexuels condamnés à un suivi sociojudiciaire avec injonction de soin et une incitation au traitement pendant leur incarcération. Nous ne rencontrons donc que ceux qui acceptent volontairement de suivre une thérapie, même si celle-ci leur est proposée de façon systématique. Nous ne rencontrons donc pas tous les agresseurs sexuels, notamment ceux qui contestent les faits comme ceux qui sont structurés sur un mode pervers et qui refusent l’idée même de se faire soigner. En revanche, les pères qui ont entretenu un rapport « amoureux » avec leur fille, retrouvant avec elle l’illusion d’un « amour absolu » acceptent volontiers de se faire suivre. Ils représentent la majorité des pères incestueux que nous suivons en consultation.
Qu’est-ce qui ne va pas chez ces hommes ?

Ils souffrent de carences identitaires et narcissiques majeures avec une identité masculine vacillante. Quelque chose est resté bloqué dans leur développement psycho sexuel. Ils sont peu sûrs d’eux et ne parviennent pas à nouer des relations conjugales normales avec leurs épouses ni de père avec leur fille. Ils restent accrochés à l’image d’une famille idéale qu’ils n’ont pas su ou pas pu construire et qui leur renvoie toujours leur manque et leur insatisfaction. Ils projettent sur leurs épouses la cause de leur mal-être, les accusant de ne pas s’occuper assez bien de leur fille et d’eux-mêmes. De leur place de père, ils vont peu à peu glisser à une place « maternelle » pour réparer leurs propres blessures narcissiques. Ils vont se mettre à donner les bains, à faire la toilette, à jouer à la poupée avec l’enfant. De ces rapprochés fusionnels apparaîtra secondairement l’excitation sexuelle, et petit à petit, les choses vont déraper presque « à leur insu » jusqu’à l’inceste.
La fille est devenue cet objet idéal qui les comble et leur offre la complétude et la sérénité qui leur a toujours fait défaut. Elle est une poupée magique qu’ils utilisent dans le déni de la différence des sexes et des générations pour former avec elle un néo couple pervers construit sur la relation d’emprise.
Comment arrivent-ils à assumer cette relation ?

Ils savent bien que ça ne se fait pas. Ils vivent en permanence la compulsion à la relation incestueuse dans la crainte de la dénonciation, mais ne peuvent pas s’en détacher eux-mêmes. Au moment de l’arrestation, nombre d’entre eux se déclarent soulagés.
Parmi ces pères amoureux, on distingue ceux qui développent une réaction de panique le jour où la relation devient sexuelle, surtout après l’orgasme. Ils se rendent alors compte de l’anormalité et de la monstruosité de leurs actes et obligent l’enfant au « secret », lui demandant à la fois pardon et lui promettant qu’ils ne recommenceront plus et surtout que le maintien de la cohésion familiale dépend de ce secret partagé, gage de la sécurité de toute la maison. Ils auront alors dans les jours qui suivent une conduite d’évitement, puis comme ils voient qu’il ne se passe rien, que la vie continue comme avant, un jour ils recommencent.
À côté de ces pères il y a ceux, nettement moins nombreux et plus carencés, qui ne connaissent pas cette panique et qui vivent presque normalement cette relation.
Quels sont les différents profils des pères incestueux ?

On peut repérer schématiquement trois types de pères incestueux
• le père « amoureux » de sa fille que nous venons de décrire.
• Puis le père très carencé, machiste et souvent alcoolique vivant dans un milieu défavorisé où l’acte sexuel se résume à un acte pornographique imposé comme un droit à la femme qui doit lui être soumise. Il couche avec sa fille parce qu’elle est là, qu’il est l’homme et qu’il a tous les droits.
• Il y a enfin le profil du pervers sadique qui jouit de la souffrance infligée à autrui, mais que l’on ne voit pas en consultation parce qu’il la refuse et qu’il n’en voit pas l’utilité.
Comment se passe le travail en prison ?

En prison, le travail de thérapie tente d’amener ces pères à prendre conscience de la gravité des actes commis sur leur fille qui n’est pas « leur objet » mais un être humain différencié d’eux et victime de leurs actes. L’objectif thérapeutique, c’est de les aider à retrouver dans leur histoire personnelle les paramètres qui les ont conduits à cette déviance, de repérer leurs manques et le sens de leur passage à l’acte incestueux. Ce sont des gens qui sont en proie à la confusion mentale, il faut réintroduire la loi de l’interdit de l’inceste et la prison représente un cadre qui permet cette prise de conscience indispensable pour reprendre leur place de père. Quand ils sortiront de prison ou si leur enfant le leur demande un jour, ils devront lui rendre des comptes. Nous essayons de préparer le père à trouver les réponses qui pourront alors aider la victime pour qu’elle cicatrise son traumatisme et ne se sente plus coupable ou responsable de ce qu’il lui a infligé. Il faut sortir de la confusion. Les liens de filiation demeurent, le père restera toujours le père quoiqu’il ait fait.
Propos recueillis par Monique Castro

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