« Si un individu s’expose avec sincérité, tout le monde, plus ou moins, se trouve mis en jeu. Impossible de faire la lumière sur sa vie sans éclairer, ici ou là, celles des autres »
Simone de Beauvoir – La force de l’âge
« L’information est le seul bien qu’on puisse donner à quelqu’un sans s'en déposséder. »
Thomas Jefferson,
l’un des rédacteurs de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis,

De l'esprit des lois (1748)

Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.
Charles de Secondat, baron de Montesquieu

2 janvier 2004

2/ Peut-on pardonner ? par Roland Coutanceau

Roland Coutanceau

Vivre après l’inceste – Haïr ou pardonner ?


Première partie par Ida Brein

Page 60

Peut-on pardonner ?

« Je me suis demandé souvent pourquoi, enfant, j'avais pu pardonner à mon père, et pourquoi aujourd'hui je ne peux plus pardonner à mes parents. J'ai compris qu'au-delà de la générosité dont, jeune, on peut faire preuve, ce que l'on attend alors, c'est de ne plus jamais être trahie : or, mes parents m'ont trahie plusieurs fois, mon père en tentant de récidiver avec ma jeune sœur et d'autres, et tous deux en ne reconnaissant ni les conséquences du comportement de mon père sur moi, ni leurs responsabilités.

Ce que j'ai, moi, à pardonner, ce n'est plus ce qui m'a été fait enfant, c'est ce que mes parents n'ont pas fait ensuite pour que les effets du drame s'estompent, ce sont les jugements dont ils m'ont accablée pendant des années, enfonçant ainsi un clou déjà fort douloureux.

Au contraire, parce que je m'étais révoltée, ils attendaient un pardon de ma part, de la part de « leur fille ». Mais, il y a longtemps que je ne suis plus leur fille ! Depuis le jour où ils m'ont demandé de réfléchir à leur place parce qu'il n'était pas question qu'eux se remettent en cause, parce qu'ils minimisaient ce que j'avais vécu et continuaient à vivre comme si de rien n'était. J'ai dû me mesurer à la vie sans eux, j'ai dû me mettre à l'abri de mes parents, parce que leur contact me déstabilisait. Le pire c'est que ma mère m'accusait d'être instable, elle me disait que je finirais à l'asile comme ma tante, sa propre' sœur. De huit à vingt-cinq ans, je peux dire que ma hantise était d'être folle."


Deuxième partie

Roland Coutenceau interrogé par Bernard Geidel, médecin et journaliste

Page 251


Vous semblez accorder plus d'importance à ce que vous appelez la trahison de la fonction paternelle qu'à l' agression sexuelle elle-même.

C'est vrai. Je préfère cette lecture par la trahison de la fonction paternante ou paternelle, car c'est celle qui me semble la plus profonde. Mais je crois qu'il ne faut pas être obsédé par cette capacité qu'ont certains êtres humains de dépasser les trahisons de la vie. Cela leur appartient, il ne faut pas être fasciné par le pardon. Ce n'est pas la seule bonne solution, le penser serait se mettre dans une logique idéaliste, morale. Je suis un thérapeute, un accompagnateur, je fais en sorte que les gens accouchent de leur vérité : haine ou désinvestissement aboutissant à la séparation, ou pardon et reprise de contact, ou encore questionnement qui peut être infini. On ne peut pas tout comprendre. Il faut parfois accepter le mystère, l'énigme de l'évolution des sentiments, l'alchimie interne qui préside aux choix divers. Il en est de cette trahison comme de bien d'autres : leur destin n'est jamais écrit d'avance, il varie.



Voir aussi les billets concernant le livre de Roland Coutanceau :

1/ Vivre après l'inceste : Haïr ou pardonner


3/ Un silence difficile à rompre

4/ Désordres relationnels et sexuels

5/ Le père incestueux

*/ L'enfant investi d'une sorte de mission

6/ Les milieux sociaux et culturels

7/ Quelques conséquences sur les survivantes

8/ Le dévoilement

9/ Trois profils des pères incestueux

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